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Qui sont-ils pour ... ? Texte du collectif de féministes contre le projet d’une loi interdisant le port de la burqa

Bientôt une loi contre le port du "voile intégral"...

jeudi 3 décembre 2009, par Clara

Texte du collectif de féministes contre le projet d’une loi interdisant le port de la burqa.

Qui sont-ils pour parler au nom des femmes ? Qui sont-ils pour récupérer le combat féministe ? Qui sont-ils pour réduire les libertés au nom de la démocratie ? Qui sont-ils pour dresser systématiquement les droits des femmes contre l’islam ? Qui sont-ils pour nous faire croire que tout cela se fait au nom de la laïcité ?

Un appel à signatures (texte intégral joint) est lancé aux collectifs, associations et organisations. Contact : feministes23septembre@hotmail.fr


Bientôt une loi contre le port du « voile intégral »...

Qui sont-ils pour ... ?

Chronologie de la répression :

2003-04 : lois sur la sécurité intérieure créant le délit de racolage passif, qui accroît la précarité et la clandestinité des prostituées.

15 mars 2004 : loi sur le port de signes religieux ostensibles, excluant les filles voilées de l’école.

23 octobre 2007 : « loi de maîtrise de l’immigration » restreignant le regroupement familial et imposant les tests ADN.

10 août 2007 : lois sur la récidive, qui élargissent le port des bracelets électroniques.

Juin 2009 : création d’une mission d’enquête parlementaire sur le port de la burqa, à la demande du député André Gérin. Les travaux de cette commission risquent de déboucher sur une proposition de loi interdisant le port de la burqa.

Septembre 09 : Proposition de loi de Vanneste, homophobe notoire, « visant à interdire l’ensemble des vêtements ou accessoires permettant de masquer l’identité d’une personne », qui pourrait être opérante pour interdire cagoules en manif et vêtements qui ne correspondraient pas au sexe supposé d’une personne.

Qui sont-ils pour parler au nom des femmes ?

La mission parlementaire dont l’objectif est pourtant, aux dires d’A. Gérin, de « réaliser un état des lieux sur le port du voile intégral et sur ce qu’il représente » n’a manifestement aucune intention d’auditionner les personnes directement concernées : les femmes qui portent la burqa. Nous nous insurgeons contre cette initiative au nom du principe féministe : « Ne me libérez pas, je m’en charge ! » Ériger la « liberté et la dignité des femmes » en « principes de la République française » uniquement pour cautionner des politiques racistes et répressives, c’est considérer le sexisme comme un problème extérieur à la culture de l’ « Occident ». C’est pointer uniquement les conséquences du sexisme chez les « autres », et simultanément invisibiliser et nier les violences sexistes que subissent quotidiennement ici les femmes, les gouines, les pédés, les trans.

Qui sont-ils pour récupérer le combat féministe ?

La potentielle interdiction du port du « voile intégral » au nom de la lutte contre les violences faites aux femmes s’inscrit dans une utilisation des combats féministes par les politiques de tous bords. Cette récupération permet surtout de restreindre les libertés des femmes en légiférant jusque sur nos corps, et d’exclure au maximum des espaces dits « publics » toutes celles qui ne se conforment pas à un modèle féminin occidental bourgeois. Ce vernis féministe est cautionné par quelques voix soigneusement choisies, largement médiatisées comme étant représentatives du féminisme. Mais en dehors de ce féminisme officiel, il existe de nombreux courants féministes qui partagent le principe fondamental : ne pas parler à la place des personnes concernées.

Qui sont-ils pour réduire les libertés au nom de la démocratie ?

Dès qu’un fait divers fait polémique, les politiques réagissent en multipliant les lois répressives. L’idée d’un projet de loi sur la burqa, défendu au nom de l’ordre public, s’inscrit dans cette logique. Cette législation de plus en plus contraignante qui viserait à protéger notre « liberté » et notre « démocratie » face à des « menaces » stratégiquement regroupées de façon simpliste sous le nom de terrorisme. On se « protège » contre les mouvements sociaux qui attenteraient à notre bien-être commun, contre les intégrismes religieux qui viennent forcément d’ailleurs et qui mettraient en danger nos libertés. En attendant, on légifère, on interdit, on punit. On protège la liberté par l’interdiction. En réalité, il n’est pas très difficile de comprendre la logique qui se cache derrière ces lois. Une logique de contrôle, visant à homogénéiser la société et à en exclure, en le rendant dangereux, tout ce qui s’écarte des paramètres définis par le pouvoir.

Qui sont-ils pour dresser systématiquement les droits des femmes contre l’islam ?

Il faut nommer ce qui se joue depuis le 11 septembre à travers le fait d’ériger la burqa en emblème d’une menace :

C’est de la xénophobie ! Lorsqu’on stigmatise et diabolise les femmes qui portent la burqa, on joue avec la peur de « l’autre ». Ces femmes peuvent tout à fait avoir une carte d’identité nationale française, elles seront toujours désignées comme « étrangères », étrangères aux mœurs, à la culture et à la civilisation occidentales. Cette idéologie xénophobe est la face cachée des discours sur l’intégration et la cohésion nationale.

C’est du racisme ! Ce scénario du choc des civilisations est fondamentalement raciste puisqu’en opposant un Occident des libertés blanc aux contrées obscures du Moyen-Orient, il dessine des frontières raciales et ethniques pour justifier de lignes d’affrontement politique et militaire.

C’est de l’islamophobie ! Aujourd’hui comme en 2003-04, la religion qui est jugée dangereuse pour les libertés, pour les droits des femmes, pour la démocratie et l’ordre public, c’est l’islam, toujours... Ce qui est en jeu dans l’interdiction du port du « voile intégral » dans l’espace public, c’est la justification de cette islamophobie rampante.

C’est du néocolonialisme ! Des croisades continues d’être menées dans l’intérêt des « valeurs occidentales », ici, dans les villes et les banlieues au nom de la « sécurité », ou ailleurs, en Irak et en Afghanistan, sous couvert de fins « humanitaires ». Interdire le port de la burqa, c’est créer une loi qui s’applique à une population issue notamment des anciennes colonies françaises. Cette loi contribuerait alors à la persistance d’une idéologie coloniale.

Qui sont-ils pour nous faire croire que tout cela se fait au nom de la laïcité ?

Depuis la loi de 2004, la confusion est stratégiquement entretenue entre défense de la laïcité et défense des droits des femmes, laissant penser qu’il s’agit de la même chose. Or, nous qui vivons dans une société dite « laïque », nous continuons tous les jours à faire l’expérience du sexisme et de la domination masculine. Leur laïcité n’est donc pas une garantie pour les droits des femmes ! Concordat de 1801 entre l’Église et l’État toujours en vigueur en Alsace et en Moselle, ministres et parlementaires conseillers du Vatican, hommes politiques se réclamant de leurs Églises... combien d’exceptions à leur conception de la laïcité ? Autant de preuves d’une laïcité alibi, d’une laïcité d’exclusion, d’une laïcité fermée qui est devenue l’un des socles de « l’identité nationale ».

Qui sommes-nous pour écrire un tel texte ? Des féministes ! Révoltées par l’imminence d’une loi sur le port de la burqa, nous nous sommes retrouvées dans un collectif qui réunit militantes, gouines, pédés, trans, femmes, étudiantes, précaires, syndicalistes, putes, mères. Nous ne sommes peut-être pas directement menacées par une loi interdisant le port du « voile intégral », mais nous nous sentons concernées et nous refusons de cautionner ce genre de loi par notre silence. Nous appelons à sortir de l’indifférence et à réagir contre les politiques sexistes, racistes, islamophobes.

Collectif 23 septembre, de féministes contre le projet d’une loi interdisant le port de la burqa. feministes23septembre@hotmail.fr

PremièrEs signataires : LeZ Strasbourgeoises, Scumlambda, Ces Chieuses de Féministes, Le Torchon Brûle Toujours, Inform’Elles, Vendredi 13, King’s Queer

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